Accédez à toutes les ressources pour 80€ par an.

10 ressources gratuites

Découvrez comment préparer de meilleurs cours plus rapidement !

Dorota Padzik
3 juin 2024

La vie d’une prof enceinte

par | 3 Juin 24

Récemment, j’étais à court d’idées pour mes articles de blog et Ewa m’a dit « parle de tes expériences d’enseignement en étant enceinte ». Au début, je n’étais pas sûre que ce sujet puisse intéresser qui que ce soit, puis je me suis dit que peut-être que quelqu’un pourrait aussi avoir besoin du soutien dont j’ai besoin maintenant. C’est ma deuxième grossesse et elle est tout à fait différente de la première, en raison notamment des conditions de travail qui ont pas mal changé. Je vais donc vous parler des différents problèmes auxquels moi, en tant que prof enceinte, je dois me confronter chaque jour, parce que je pense que mon cas n’est pas isolé.

 

La précarité

Quand j’étais enceinte pour la première fois, j’étais une prof indépendante (actuellement, heureusement je suis en CDI) et mon statut provoquait un grand stress. Premièrement, l’allocation familiale pour les indépendants était minime : je n’ai reçu qu’une petite somme, bien qu’ayant cotisé pendant des années. J’ai donc dû reprendre mes cours trois mois après l’accouchement (cette décision a aussi été provoquée par le fait qu’une longue absence n’était pas conseillée : c’est horrible mais, en restant à la maison, une femme est immédiatement oubliée dans son milieu de travail). Et j’avoue que ce retour, d’un côté, était important pour moi parce que, grâce à mes cours, j’ai pu penser à autre chose qu’à l’allaitement et aux couches mais, d’un autre côté, ça m’a anéantie. J’ai proposé des cours en ligne et, en donnant mes cours, j’entendais ma fille de trois mois pleurer et mon mari qui essayait de toutes ses forces de la calmer. Bref, j’étais émotionnellement déchirée : je devais travailler pour gagner de l’argent, pour ne pas être oubliée et pour ne pas perdre mon français qui n’est pas ma langue maternelle et, en même temps, je voulais être avec ma fille. Je crois que, pour beaucoup de femmes indépendantes, ce choix est difficile.

 

L’exposition aux maladies

Pendant ma première grossesse, nous étions presque constamment confinés parce que c’était le pic de la pandémie de COVID. Paradoxalement, ce n’était pas si négatif que ça : je donnais des cours en ligne mais je me reposais beaucoup parce que je ne perdais pas de temps dans les transports publics et j’étais isolée de toutes les maladies. Actuellement, j’ai des cours en présentiel avec une vingtaine d’étudiants dans chaque groupe, dont la plupart toussent et éternuent sans arrêt. J’étais très inquiète, surtout pendant les trois premiers mois, car chaque virus pouvait être dangereux pour moi et mes étudiants m’envoyaient parfois des attestations médicales m’informant qu’ils avaient la grippe ou le COVID. De plus, en septembre, ma fille a commencé l’école maternelle où il y a aussi beaucoup de maladies. Quand on a reçu l’information que, dans son école maternelle, il y avait beaucoup de cas de virus respiratoire syncytial et de scarlatine, ma fille a dû rester à la maison pendant un mois pour ne pas me contaminer. Cette période a aussi été très difficile : j’ai dû travailler intellectuellement, aller à l’université, préparer des ressources créatives et des webinaires enrichissants mais, dans ma tête, il n’y avait que des chansons pour enfants et la question « tu peux jouer avec moi, maman ? ». L’exposition (et son risque) à différentes maladies pendant la grossesse n’aide pas, mentalement.

 

La gestion de la fatigue

Beaucoup de profs travaillent le soir, restent debout pendant le cours entier, se promènent dans la salle, enchainent plusieurs cours et passent beaucoup de temps à préparer leurs cours. C’est aussi mon cas, malgré l’énorme fatigue que je ressens depuis quatre mois. C’est le type de fatigue qui ne disparait jamais. Il faut parfois que je fasse la sieste, mais ça n’aide pas beaucoup. Je sens tout le temps que mon corps et ma tête n’ont plus de batterie. Je dois trouver un nouveau rythme de travail, trouver des moments pendant la journée où je suis efficace et où je réfléchis de manière claire. Je n’ai pas encore trouvé ce rythme, mais j’essaie. Cette fatigue provoque aussi un manque d’assurance pendant les cours : j’hésite en écrivant un mot au tableau ou je n’arrive pas à trouver un mot pourtant basique. C’est frustrant parce que je sais que je suis suffisamment compétente pour enseigner, mais je crains que quelqu’un pense que je ne le suis pas. Il y a des jours « avec », et des jours « sans ». L’une de mes dernières conclusions est que je dois presser les jours « avec » comme des citrons parce que, quand j’ai un jour « sans », je suis comme un poisson sans eau. Il faut donc que je jongle sans cesse avec les ressources dont je dispose.

 

Le développement professionnel et personnel

Ce point est étroitement lié à la fatigue. Comme chaque prof, je sais que je devrais continuer à me développer : il faut que je lise ou que j’écoute en français pour développer mes compétences. Il est aussi nécessaire que je teste des nouveautés (par exemple comment utiliser l’intelligence artificielle pendant les cours). Cependant, je n’ai pas la force pour cela. Chaque effort intellectuel additionnel est difficile à gérer. Et voilà une nouvelle source de frustration !

 

Un peu d’optimisme pour la fin

Je décris surtout ici les moments difficiles, mais il y a aussi des aspects très positifs à enseigner enceinte. Les réactions de mes apprenants me font toujours plaisir. Ils me félicitent, ils comprennent bien que je doive parfois annuler mon cours ou qu’il me faille parfois rester assise. Ils ont même acheté des cadeaux pour mon bébé. C’est très touchant. J’ai aussi la chance de pouvoir travailler avec des supérieurs et des collègues très compréhensifs et qui me soutiennent. Je suis vraiment chanceuse d’avoir rencontré dans l’équipe des Zexperts et à l’université des personnes qui veulent m’aider à chaque étape et comprennent qu’il y a ces jours « sans ». Je pense que, sans ce soutien, tout serait plus difficile. Et, dernier point mais pas des moindres, je trouve fantastique que, malgré le stress et la fatigue, je puisse faire ce que j’adore. J’enseigne, je rencontre des profs incroyables pendant les webinaires, je parle en français et je peux écrire cet article ! Mes cours et webinaires boostent mon énergie et, quand j’enseigne ou quand je parle de l’enseignement lors des webinaires, je suis vraiment heureuse. Ce sont mes remèdes à tous les maux de la grossesse.

 

Je n’ai pas écrit cet article pour vous donner des conseils parce que je n’en ai pas. Pour moi, malgré le grand bonheur ressenti à l’idée de l’arrivée d’un nouveau membre dans ma famille, la grossesse est aussi la source d’une énorme fatigue et d’une certaine frustration professionnelle. On pourrait dire que, pour chaque femme, c’est pareil, mais je trouve que notre métier est vraiment spécial de ce point de vue là. Il y a énormément de facteurs affectifs, cognitifs et physiques qui rendent cette période particulièrement difficile pour une enseignante. Parfois, on a donc besoin d’entendre que nos émotions et nos réactions ne sont pas inhabituelles ou uniques.

Je vous encourage, chères collègues, à partager vos expériences. N’hésitez pas à laisser des commentaires et à y chercher (ou offrir) du soutien. Cet espace est pour vous !

Dorota Padzik

Dorota Padzik

Je suis prof de français dans une école à Varsovie. J’y teste mes nouvelles idées et méthodes d'enseignement. J’adore encourager mes apprenants à parler en créant une ambiance favorable aux échanges.

10 ressources gratuites

Découvrez comment préparer de meilleurs cours plus rapidement !

1 Commentaire

  1. Horty

    Bonjour, article qui permet de se sentir moins seule effectivement ! Mon enfant est né en avril cette année ; j’ai dû faire face à la précarité du métier… J’ai pu travailler à fond durant le premier semestre bien sûr c’était éprouvant, et le délai des 3 mois étant arrivé, j’ai annoncé ma grossesse à l’établissement qui me prenait en prestataire. Résultat, on m’a proposé des cours durant un mois de plus, mais plus pour le second semestre… Travailleuse indépendante, je n’ai eu droit à aucune indemnisation que ce soit pour l’arrêt maladie ou le congé maternité. Étant jeune maman pour la reprise, je n’ai pas retrouvé un emploi du temps qui me permet de travailler pour vivre décemment. Les CDI semblent être une chimère en métropole. J’Adore mon métier (avec un grand A oui oui), je suis pourtant désabusée aujourd’hui quant aux sécurité face à l’emploi… Quitter les sourires et les félicitations de ses apprenants pour se retrouver sans ressource à la fin de la session, ça brise encore plus le cœur.

Soumettre un commentaire