Chaque apprenant est un individu à part entière. Chacun apprend à son rythme, préfère différentes méthodes de travail et se focalise sur différents éléments de la langue. On peut pourtant identifier certaines tendances qui caractérisent des générations concrètes et qui nous permettront de mieux les comprendre, et ainsi de mieux leur enseigner. En tant que milléniale née en 1988, je n’enseigne actuellement qu’à la génération Z, née entre 1995 et 2015, et j’avoue qu’au début c’était un réel défi de travailler avec eux. Dans cet article, je voudrais partager avec vous mes expériences et réflexions concernant le travail avec ce groupe de jeunes.
Les nouvelles technologies
Mes étudiants n’utilisent plus de papier ! Il n’y a que deux ou trois personnes dans chaque groupe qui viennent en cours avec un cahier et un stylo. Le reste utilise des tablettes, des ordinateurs portables ou (ce qui est le plus problématique) des téléphones portables. Les personnes qui lisent ou font des exercices sur leurs téléphones portables ont du mal à suivre ce qui se passe pendant le cours et sont souvent déconcentrées par les réseaux sociaux et les messages qui s’affichent sur leurs écrans. J’essaie donc de les encourager à remplacer le téléphone par un ordinateur s’ils n’ont pas de tablette, je vois que travailler sur un très petit écran n’est pas très efficace (ni bon pour leur santé). Du point de vue didactique, leurs habitudes m’ont forcée à partager toutes les ressources sur Internet. Je crée pour chaque groupe un profil sur Google Classroom, je leur envoie des dossiers que je prépare et je leur y pose des questions auxquelles ils répondent dans les commentaires. C’est l’espace où se passe la vie linguistique de chaque groupe et, grâce à leur participation, il est très vivant et enrichissant. En revanche, ce qui est intéressant, c’est qu’ils détestent les cours en ligne ! Ils disent tous que les cours en ligne sont un vrai cauchemar ! :)
L’indépendance
Ils ont du mal à travailler en équipe ! Je suis une prof qui fait travailler ses apprenants en groupe TOUT LE TEMPS. Et, au début, c’est toujours une vraie galère. Ils sont assis l’un à côté de l’autre mais ne profitent pas de la présence de la deuxième personne. Je ne sais pas si c’est une bonne décision, mais je les force à travailler ensemble. Je trouve qu’on a besoin des autres pour vivre, travailler et se développer. Chacun apporte de la valeur dans notre vie et, malgré leur indépendance, c’est un fait qu’on ne peut pas négliger. De plus, dans un groupe de 20 personnes, il est plus efficace de les faire travailler en équipes de manière à ce que chacun ait la possibilité de prendre la parole. Comme je l’ai déjà mentionné, au début, c’est dur pour eux, mais je leur explique systématiquement l’importance de cette modalité de travail et, au bout de quelques mois, ils commencent à coopérer et à en tirer profit et plaisir.
Les tâches multiples
Ces étudiants sont très intéressants. Ils font beaucoup de choses en même temps, ils ont tous un emploi (ce qui a un impact négatif sur leurs études), ils font partie de groupes de musique, de chorales, ils font du sport, voyagent… Vraiment un peu de tout. Ils m’apprennent aussi beaucoup de choses. Ils m’expliquent des tendances actuelles ou même des mots qui circulent sur Internet que je ne comprends pas. Ils s’y connaissent vraiment dans plein de domaines ! Mais, à cause de cette multitude d’activités, ils ne sont pas engagés à 100 %. D’un côté, c’est normal parce que chacun n’a que 24 heures à sa disposition mais, de l’autre, c’est dommage qu’ils ne soient pas fascinés par ce qu’ils étudient, par exemple. Je me rappelle mes années à l’université (je vous rappelle que je suis une milléniale ;) ) où, pendant 5 ans, on a été vraiment à fond. On passait des journées entières à étudier et à discuter des livres analysés. On voulait vraiment comprendre la langue. Aujourd’hui, les étudiants ne veulent connaître que les bases. Ils veulent être capables de communiquer efficacement, de pouvoir travailler en français, d’utiliser la langue pendant des voyages, mais rien de plus. Ils sont donc très conscients de leurs objectifs à atteindre, et ces objectifs sont très concrets et pragmatiques. Si on parle des méthodes didactiques, j’ai dû comprendre qu’aller trop loin n’a plus de sens. J’essaie quand même de trouver un juste milieu : je leur parle des exceptions, des cas particuliers, mais je n’exige pas leur utilisation. Les personnes intéressées les connaîtront mais, les autres, malheureusement pas.
La conscience de leurs besoins
Cette génération apprend une langue étrangère presque depuis la naissance. Ils connaissent différents enseignants, différentes méthodes, ils savent ce qui fonctionne pour eux et ce qui n’a pas de sens. Ils ont donc des besoins bien concrets qu’ils communiquent ouvertement. Il arrive qu’ils me disent « cette activité n’est pas utile, on ne veut pas la faire ». Ma réaction dépend de la situation. Parfois, je leur dis qu’on peut l’omettre mais, parfois, je ne cède pas. Je sais ce qui est efficace et nécessaire pour apprendre et c’est moi qui les guide pendant les cours. Je ne veux donc pas leur montrer que je fais tout ce qu’ils veulent parce qu’ils ont parfois tort. Mais il faut y être préparé. Au début, cette attitude peut être choquante et difficile à gérer, donc il vaut mieux savoir que ces situations peuvent arriver, sans compter que les discussions avec eux sont souvent fascinantes et qu’ils y présentent un point de vue complètement différent du mien.
La diversité
En travaillant avec des jeunes de cette génération, il faut faire attention à ne pas heurter leur sensibilité au niveau identitaire, psychosexuel, culturel, etc. Il est important de comprendre et d’utiliser un langage inclusif parce qu’ils sont très sensibles à la façon dont on s’adresse à eux. De plus, la tolérance et l’égalité sont cruciales pour ces jeunes. Ils n’aiment pas parler des stéréotypes (je vais en parler dans un autre article) et les activités dans lesquelles on utilise des photos pour parler du caractère de la personne présentée ne sont pas bien vues. Ils disent, par exemple, qu’ils ne veulent pas juger sur les apparences et que le look ne signifie rien. Il est donc important de prendre en considération ces attitudes pour ne pas blesser ces apprenants. Je pense que c’est l’aspect que j’admire le plus chez eux : ils savent instaurer et communiquer leurs limites. Je voudrais apprendre à en faire autant et, grâce à eux, je vois que c’est possible.
J’espère que cette petite description de la génération Z avec mes réflexions vous sera utile. N’hésitez pas à réagir à cet article en ajoutant vos propres expériences, sans compter que je ne parle ici que des étudiants polonais qui étudient le français à l’université. Dans votre contexte didactique, tout peut être différent, et je suis très curieuse de découvrir votre point de vue.
Bon cours !
Merci beaucoup pour cet article très intéressant.
Je trouve toujours très enrichissant de partager ces expériences avec les apprenants.
Bonjour!
J’ai 25 de plus que vous et travaille à l’étranger: c’est dire que le décalage entre la jeune génération à laquelle j’enseigne (adolescents et étudiants à l’université) est considérable. Mais je rejoins vos observations sur presque tous les points, c’est très intéressant de noter ces tendances lourdes.
La jeune génération avec laquelle je travaille est effectivement persuadée pouvoir tout faire mieux avec la tablette et le portable alors que les écrans sont physiquement trop petits pour bien travailler en cours de langue et entraînent de plus les distractions que vous mentionnez. Rien ne vaut les cartes mentales imprimées grand format ou projetées en classe, et la manipulation de cartes ou flascards, avec crayon et papier, pour une activité efficace. Surtout, l’accès aux suggestions de mots, correcteurs d’orthographe et traducteurs automatiques pose de très grands problèmes d’apprentissage, que les élèves sous-estiment généralement, sans bien comprendre que plus ils dépendent de ces outils, moins ils retiennent des cours de français à long terme (tout en étant persuadés du contraire). Il devient nécessaire d’expliquer ce qui peut être utilisé ou pas, et surtout pourquoi (mes jeunes élèves ne savent pas ce qu’est un dictionnaire, physique ou virtuel, la plupart pensent que Google translate en est un).
Mes élèves sont également très sensibles aux stéréotypes, ce qui pose un réel problème pour utiliser les ressources des Zexperts qui supposent de discuter des gens à partir de photos. Ce serait bien d’y consacrer un autre article: si vous avez des solutions pour utiliser quant même ce genre de ressources, je suis preneure!
Cordialement,
Caroline